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Carole RABINIAUX et Julia CASTANIER

Fondatrice et Directrice de la création

Associée et Directrice du développement commercial et des relations publiques

de MADELEINE ADORE 

 

 

Bonjour Carole, merci de m’accueillir dans les ateliers de Madeleine Adore aux Halles en Commun dans le quartier de la Courrouze à Rennes.

 

Madeleine Adore, la marque que tu as créée il y a bientôt sept ans, l’âge de raison dit-on ! Peux-tu nous dire comment la graine Madeleine et le terreau Adore ont vu le jour ? Comment tu t’y es prise pour faire germer l’idée, et finalement comment la marque a poussée ?

Ça commencé en 2018, cette année-là j’ai commencé à chiner des vêtements pour les retaper et les porter. C’est venu naturellement en fait, par conviction personnelle, par conscience écologique. Je n’ai plus rien acheté de neuf. Je savais qu’il y avait suffisamment de vêtements disponibles déjà produits pour m’habiller. J’avais pas mal regardé de documentaires sur la fast fashion et l’industrie du textile. J’avais aussi des copines qui étaient sensibles au sujet et on en discutait régulièrement ensemble. C’est comme ça que petit à petit je me suis dit : « Et si ces vêtements là je les retapais et les revendais sur Vinted?»

 

C’est comme ça qu’on passe d’une carrière dans l’éducation à l’entrepreneuriat social ?

Oui ça s’est fait progressivement, en douceur. Je ne suis pas passée par la case coaching ou bilan de compétences.

J’ai commencé à retaper et vendre un petit peu, puis un petit peu plus pour finir par y passer tout mon temps libre.

En parallèle, je continuais mon métier dans le secteur de l’éducation, les deux premières années à mi-temps et la troisième année à temps plein. C’est durant mon mi-temps que j’ai décidé d’apprendre à coudre. J’avais commencé en dilettante avec ma mère il y a des années, et là je me suis inscrite dans mon quartier à un cours de couture donné par une association, tous les mercredi après-midi, avec des retraitées. Là j’ai vraiment commencé à apprendre. Des petites choses au début, puis rapidement j’en suis venue aux vêtements.

Durant tout ce temps, je continuais à chiner, à upcycler et à revendre des vêtements.

Les deux activités cumulées me prenaient un temps fou. Il a fallu, à un moment, se rendre à l’évidence (mon mari m’y a aidé).

Il fallait prendre une décision : soit je continuais mon métier, soit je montais mon entreprise.

J’ai décidé de créer mon entreprise en 2020 : Madeleine Adore.

Madeleine c’est le prénom de ma grand-mère et c’est aussi mon 2ème prénom, et Adore parce que c’est un mot que j’aime bien, ça va bien ensemble.

Mon premier objectif ça été de créer mon site internet. C’était très important pour moi d’avoir un site pro. Je l’ai payé avec mon CPF (compte personnel de formation), c’est de l’argent que j’avais gagné quand j’étais dans le privé – j’ai été chargée d’étude sur des projets liés aux gens du voyage durant sept ans après mes études de sciences-politiques-.

J’ai donc fait mon site moi-même, c’était mon projet de formation. Je voulais quelque chose qui tienne la route, que je puisse gérer directement et surtout qui puisse, à termes, être référencé.

Ensuite, j’ai investi dans une machine à coudre, et…dans Instagram !

 

Tu avais déjà pensé à l’entreprenariat avant de te lancer ?

Pas du tout ! Enfin oui et non.

Je me souviens que je disais souvent à mon mari: « Oh promets moi que le jour où j’en ai vraiment marre je pourrai être à mon compte !»

Je voulais travailler seule, ne pas être pressurisé en continue. J’aime être seule dans mon atelier. Je suis faite pour ça.

 

Et pourtant aujourd’hui tu es associée à Julia…peux-tu nous parler des premiers temps en tant que solo-entrepreneure, et de la rencontre puis l’association ?

La marque a démarré avant que je m’y consacre à plein temps. Dès 2019 ça démarre, à partir de 2020 les créations se vendent bien, très bien.

Je décide de travailler essentiellement sur des vêtements d’hommes : des chemises, des vestes, des manteaux, que je retravaille. Je fais tout de façon artisanale : je travaille dans le salon, c’est mon mari qui prend les photos. J’investis de plus en plus de place dans la maison jusqu’à ce que mon mari me le fasse remarquer.  En 2022, j’ai l’opportunité de m’installer aux Halles en commun à la Courrouze, c’est une ancienne friche industrielle dévolue transitoirement à des micro-entreprises et associations du territoire. C’est une grosse opportunité, nous sommes très peu nombreux à être retenus mais nous sommes tous issus de l’économie sociale, solidaire et du réemploi, avec l’opportunité d’occuper des ateliers, des bureaux, une boutique pour un loyer défiant toute concurrence. Ce qui est génial en plus c’est que c’est à nous d’aménager, de nous organiser, de créer, de faire et ça marche hyper bien, il y a une vraie dynamique de projet ici, aux Halles.

Et, étonnamment, c’est à ce moment-là que je ressens l’envie d’être avec quelqu’un. Peut-être parce-que je vois tout le monde aux Halles en équipe, en groupe. Ils ont des réunions de service (rires) ils s’entraident et moi je suis toute seule, je fais tout toute seule.

A la fois j’aime travailler seule, et en même temps je suis très sociable, j’ai beaucoup d’amis, je ne passe pas un samedi soir sans voir du monde par exemple, mais sur mon temps de travail je kiffe être seule. C’est paradoxale.

Pourtant, parfois je me dis que j’aimerais bien avoir un avis sur une création, et puis je sens que j’arrive à un moment où j’ai envie de communiquer autour de Madeleine Adore, j’ai envie d’être plus pro, de partager et c’est là que je rencontre Julia complétement par hasard. Elle travaille en politique, elle est entre Rennes et Paris, elle a une vie bien remplie.

Et pourtant, sans que je m’y attende, elle me propose dès notre première rencontre de nous associer et moi j’accepte.

Ça met du temps à se mettre en place bien sûr, ça ne se fait pas d’un coup. Ce n’est pas évident pour moi d’accepter qu’une autre personne entre dans mon entreprise. Je fais ça depuis 2018. Madeleine Adore c’est mon bébé.

Puis progressivement ça prend forme, on ajuste, on prend le temps. On a chacune des compétences totalement différentes qui se complètent vraiment bien : les choses que je n’aime pas faire elle adore les faire, et inversement ce que j’aime faire c’est pas son truc. C’est une expérience à deux. C’est nouveau et là on est dans une bonne phase.

 

Et toi Julia, qu’est ce qui t’a poussé à faire cette proposition à Carole ? Comment tu as composé avec ton métier et ton quotidien pro parisien ?

Quand j’ai rencontré Carole dans un cadre perso, elle m’a parlé de sa marque et j’ai trouvé le concept de Madeleine Adore tellement génial que j’ai proposé dans l’instant l’idée de l’association et, je lui ai fait la proposition de prendre en main le développement commercial de la marque. Je fonctionne à l’impulsion, au coup de cœur. Et, Carole, a eu la folie de dire oui.

Aujourd’hui, Carole c’est l’âme créatrice et moi l’énergie structurante. Je ne gère même pas la communication (qui est mon métier depuis des années) mais je m’occupe du développement de la marque, des relations publiques, des partenariats, notamment avec le Stade Rennais.

Il y a deux choses en fait qui m’ont poussées ce jour-là à faire cette proposition.

La première résidait, et réside toujours, dans mon envie profonde de faire quelque chose de très concret, d’être dans l’opérationnel sur le terrain. A ce moment-là, il se trouve que mon quotidien professionnel était certes exaltant mais aussi épuisant et frustrant. J’évoluais dans un monde d’idées et de stratégies politiques et j’avais besoin non pas de révolution mais de contribuer à un petit bout de solution à l’échelle d’un territoire.

Ça rejoint la deuxième chose : les convictions qui fondent notre marque. La fast fashion c’est la cata, que ce soient les usines au Bangladesh ou les décharges à ciel ouvert dans le désert. La fast fashion c’est la deuxième industrie la plus polluante au monde. C’est devant le pétrole ! On ne se rend pas compte.

Et puis bien sûr j’ai adoré les pièces de Carole. Tout ça, ça a suscité chez moi un élan, une envie d’y aller.

En fait, Madeleine Adore m’a apporté une connexion au monde réel, au monde économique, au monde entrepreneurial. Maintenant quand je parle d’une PME je sais de quoi je parle. Maintenant, quand je parle de production, de Made in France, je sais de quoi je parle. C’est du concret, on a les mains dedans. C’est plus juste le monde des idées et des promesses. Je me sens mille fois plus légitime à parler du monde du travail et de l’entreprenariat social maintenant que je suis entrepreneure. Tu ne peux pas parler des choses si tu ne les vis pas.

Je suis convaincue que des projets comme le nôtre sont porteurs de changements. Mais pour cela ils ont besoin d’être structurés et d’atteindre un stade de développement qui leur permet d’être reconnus comme tels. Et ça, c’est mon objectif pour Madeleine Adore.

(Carole) Pour rebondir sur ce que dit Julia, c’est effectivement son objectif en tant qu’associée et c’est tout ce qui fait notre association : les convictions, l’amour du produit et la vision à long terme.

Quand j’étais toute seule, je me disais souvent que j’aimerais que ça décolle plus vite, plus fort. Par moment ce n’était pas facile, tu bosses dur, beaucoup, tu te paies que dalle, tu as ça en tête tous les matins en te réveillant, tous les soirs en te couchant, le week-end…tu culpabilises parce-que tu as ton téléphone avec toi même quand tu es avec tes enfants, tu as l’impression d’être nulle, que tous les autres font des choses vachement mieux que toi donc au fond si tu ne vends pas, y’a rien qui va.

A deux aujourd’hui, j’ai parfois des coups de mou mais on peut partager, on peut ajuster, on se remotive, et on fait ce qu’on sait faire…chacune ses compétences et ses talents !

 

Justement, pour vous Madeleine Adore dans cinq ans c’est où, ça ressemble à quoi ?

(Carole) C’est là ! Les ateliers sont aux Halles en commun. Pour l’instant on est sur une occupation transitoire. Donc à terme j’aimerais qu’on reste ici.

Et, avec Julia, on aimerait être la marque de vêtement bretonne zéro déchet, 100% écologique et éthique. LA référence bretonne !

On voudrait La reconnaissance de notre travail et de nos engagements, que les clients y croient et que d’autres marques fassent comme nous. Et que ça marche pour elles aussi !

Le territoire c’est important pour nous. On travaille uniquement avec des partenaires bretons, que ce soit le Relais pour les vêtements, les couturières, (Blosn’Up au Blosne et Espero à Saint-Grégoire), nos points de vente sont en Bretagne. Mais bien sûr, avec l’e-shop, nos clients sont partout en France.

Aujourd’hui, on a de vraies ambitions, on aimerait travailler avec le Printemps et les Galeries Lafayette pour continuer à diffuser un max. On continue de travailler main dans la main avec nos diffuseur bretons indépendants comme Kaky Crazy Station par exemple.

(Julia) Tu vois la marque réunionnaise ‘Pardon’ ?

Et bien nous, on voudrait être la marque stylée, upcyclée bretonne de référence. On veut absolument investir dans le réseau physique, l’e-shop c’est super et ça marche mais on veut aussi être sur le terrain, être proche de nos clientes autant qu’on peut et pouvoir aller concurrencer sur le territoire breton et français la fast fashion.

On veut que l’acte de consommation de l’upcycling ne soit plus l’exception mais la règle.

Et moi, à titre personnel, je veux continuer à m’investir dans Madeleine Adore pour contribuer à ce changement des modes de consommation. C’est la promesse de changement structurel que ça peut engendrer qui porte mon association avec Carole. Aujourd’hui, on ne peut plus s’habiller avec des fringues produites au Vietnam ou en Chine.

Et, comme on ne se baladera jamais tout nu dans la rue -surtout en Bretagne comme dit Carole- il faut que les modes de consommation changent, et changent durablement.

(Carole) Oui c’est vraiment l’enjeux que la marque porte. Et, en même temps, le fait de faire de l’upcycling impose que notre modèle économique soit avant tout basé sur l’humain.

Aujourd’hui, les pièces sont donc faites par nos deux ateliers, au Blosnes et à Saint-Grégoire, je fais le bâtit, et ensuite j’amène tout ça aux couturières qui reproduisent le modèle sur différentes pièces. Ça me demande, puisque chaque vêtement est différent, de vérifier la faisabilité pour chaque chemise par exemple, ça prend un temps de fou. C’est impossible de standardiser avec l’upcycling. C’est forcément du temps humain, pour l’instant le mien sur la partie création. Donc pour pérenniser le modèle, le boulot de Julia, c’est comment on peut structurer de façon à faire du volume tout en créant des pièces uniques. Donc c’est forcément travailler avec des humains et non des machines. C’est complexe comme équation mais c’est tout notre enjeu pour pérenniser la marque et le modèle qui va avec.

 

Ce serait quoi aujourd’hui la bande-son de Madeleine Adore ?

C’est une que j’écoute en ce moment que j’adore !

Elle est vachement reprise sur Tik Tok (rires).

J’étais pas du tout réseaux sociaux avant Madeleine Adore mais j’ai ouvert un compte Instagram puis Tik Tok et le soir parfois je scroll sans m’en rendre compte. Heureusement je lis aussi pas mal mais je ne peux pas m’empêcher.

(Julia) C’est fait pour, pour qu’on scroll comme des robots.

(Carole) Mais ça me permet aussi de retrouver des vieilles chansons que j’adore mais que j’adore …

C’est Don’t Stop Believing par Journey. C’était la bande son de la série Glee

J’avais jamais fait le lien ! Super message !!! C’est le refrain surtout :

Dont stop believin’

Hold on to that feelin’

Streetlight, people

Voilà n’arrête pas d’y croire !!! Et c’est exactement ce que Julia m’a rappelé il y a quelques jours.

 

Carole, si tu étais un objet du quotidien, tu choisirais quoi ?

C’est génial ça me fait penser à l’émission sur France Inter de Rebecca Manzoni, j’ai trop l’impression d’y être !!

Une voiture…je suis tout le temps en train de faire des allers-retours.

Un super pouvoir ?

La télétransportation du coup.

Une autre femme que toi pendant 24h ?

Simone Veil parce que je la trouve incroyable et que c’est le nom de l’école en face.

Un homme ?

J’ai envie de dire Donald Trump (rires).

Pour la rencontre et savoir s’il est vraiment sérieux ou complétement fou.

Un lieu ?

C’est dur tes questions (rires). Un que j’aime bien…et bien Bucarest, la place centrale de Bucarest ! J’adore la Roumanie, on y va tous les ans et ça fait longtemps que je n’ai pas été. J’aimerais y retourner.

Et toi Julia, un objet du quotidien ?

Un ordinateur, c’est mon outil de travail, de réflexion, de création.

Un super pouvoir ?

Aucun, je n’en veux pas, je veux être humaine. Je crois que c’est l’effet de la psychanalyse ça (rires)

Une autre femme pendant quelques heures ?

Encore une fois, j’ai envie de répondre aucune.

Quand tu es en analyse tu finis par avoir envie de savoir qui tu es et pas qui tu aimerais être. Mais, si je devais choisir, je dirais Anna Freud !

Un autre homme ?

Karl Marx ou Sigmund Freud juste pour avoir les bases (rires)

Un lieu ?

Un bar à vin avec mes copines !

Attends avant ça, un lieu sans bruit, un temple, une église, pour être au calme avec soi même

Pour écouter le silence ?

Exactement c’est ça.

Mais pour revenir sur l’analyse et la thérapie, et pour ne pas faire qu’en rigoler, je sais que c’est le processus qui m’a permis au fond de proposer à Carole de nous associer finalement.

Ça fait longtemps que je me sens frustrée dans mon boulot. Il y a quelques années d’ailleurs, j’avais commencé à faire un pas de côté en donnant des cours à l’Ecole Européenne de Communication.

J’ai toujours senti que quelque chose émergerait à termes. Ce n’est pas le même processus qu’un bilan de compétences on est d’accord mais l’analyse a ouvert quelque chose en termes de désir c’est évident.

Je me suis autorisée à m’autoriser comme m’a dit un jour mon analyste.

 

Dernière question à toutes les deux, quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui se posent des questions sur leur orientation ou à des moins jeunes qui s’interrogent sur leur devenir professionnel…leur désir peut-être même ?

(Carole) De bien travailler notamment au lycée. Ensuite, une fois que tu as la chance de rentrer dans un cursus, tu peux explorer, tu peux changer de métier, tu peux reprendre des études plus tard. Mais je dirais vraiment ça, de se donner les moyens d’avoir le choix après.

(Julia) Ce que je dis à ma fille : « tu as le droit de te tromper et tu peux recommencer. Tu peux prendre le temps de t’écouter même si tu prends ton désir pour une folie mais si tu fais ça, fais-le avec les meilleurs, avec des maîtres, des formateurs, des mentors, vas chercher la rencontre ! Et pas que au masculin (rires) »

La rencontre….pour s’entourer des bonnes personnes…

Aller chercher les plus belles rencontres qui soient…c’est vraiment ça. Ce sont des chances dans une vie.

En tout cas, c’est ce que j’ai toujours expérimenté pour ma part, que ce soit avec la première personne avec qui j’ai travaillé, un de mes mentors Pierre Gosnat, ou encore de façon plus intime et personnelle, avec mes deux analystes.

Et on ne va pas se mentir, il y a de bonnes rencontres et des moins bonnes…mais c’est bien la rencontre parfois qui bouleverse une vie.

 

Toutes les infos sur :

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Boutique : aux Halles en commun tous les samedis

Madeleine Adore et le FC Rennes : https://www.staderennais.com/actualites/boutique/collaboration-entre-madeleine-adore-et-le-stade-rennais-fc