Skip to main content

Fondateur de SANDANA GALLERY et d’ANGELS

 

Bonjour Cyril, ANGELS en quelques mots ? Sa bande-son ?

« Ce sont les enfants que le monde a faille briser qui finissent par le sauver » 

sur Dodo de Stromae

Et SANDANA Gallery ? Sa bande-son ?

Une galerie en ligne de photographies en édition limitée : simplicité, esthétisme.

Au son : Serge Gainsbourg avec Initials B.B

Ton super-pouvoir ? Voler

Ton super-héro ? Batman

Ta bande-son ? La BO de Batman, celle de Zack Hemsey.

Très jeune, tu m’as dit, avoir rêvé d’être soit Yannick Noah, soit Batman. Tu as finalement choisi !

En étant moitié indien, moitié français, ni l’un ni l’autre n’était gagné ! (rires)

Si balles, raquettes et terre battue font aujourd’hui partie de ta routine quasi-quotidienne, et que tu es devenu un homme chauve-souris : mi-justicier, mi-bienfaiteur, le chemin vers l’incarnation d’un Batman des temps modernes ne s’est pas fait en ligne droite.

Peux-tu nous partager comment tu as fini par porter la cape, trouver ton Robin, et défendre la communauté que tu as choisie: celle des enfants que tu appelles cabossés ?

Mon métier de rêve a toujours été super-héro. J’ai vaguement imaginé à l’adolescence devenir pilote de chasse – pour voler –  et avocat aussi -pour défendre et réparer les injustices -, mais finalement je suis toujours revenu à Batman et à sa discrétion.

Par contre, on ne devient pas Batman d’un coup et tout seul. Comme dans le comics, il y a d’abord une forme d’épreuve (cf : Bruce Wayne enfant qui perd ses deux parents), puis il y a les mains tendues, les rencontres qui changent tout et, finalement, la construction de la ‘team’ ( cf : Alfred, Robin, le commissaire Gordon…). Tout ça m’a pris du temps et ce n’est pas fini.

Acte 1

Mais ma première rencontre, celle qui me vient tout de suite, c’est celle que j’ai eu avec ma première raquette de tennis. Un hasard. L’ami de ma mère à cette époque, décide de m’offrir ce cadeau. Je n’avais jamais fait de tennis. Et à partir de ce moment-là, je n’ai fait que ça, pendant des années. J’ai appris seul, j’aimais ça. J’aimais aussi l’allure que ça me donnait. Je ne savais pas que des décennies plus tard, le tennis et l’allure feraient partie de ma vie, et encore moins de ma vie de Batman.

La seconde, c’est à l’adolescence. Elle est beaucoup plus glauque mais décisive. C’est ma rencontre avec la justice. J’avais demandé à ma mère de poursuivre en justice mon père (mari et père abusif et maltraitant que ma mère a fui quand j’étais très jeune). A l’entrée de l’audience, mon père vient me serrer la main. A la sortie, rien…même pas un regard. Ça été une rupture capitale, il y a eu un avant et un après. Après cette audience, j’ai pris trois décisions : 1/ plus d’autorité (pas d’opposition mais personne ne me dit ce que je dois faire), 2/ plus d’école, et 3/ je vais devenir riche et enfin devenir Batman. J’avais 14 ans et je n’ai plus jamais voulu devenir Yannick Noah.

Depuis, il y a eu des rechutes par rapport au plan initial mais surtout des étapes, de petites-morts suivies de renaissances. Ce n’est pas pour rien que ma boîte aujourd’hui s’appelle Reborn et abrite ANGELS, a new chance for children, l’organisation à but non-lucratif que j’ai fondée !

Et donc, pour continuer à te répondre, comment devient-on Batman ? Et bien pour moi c’est passé par une adoption professionnelle, un mentor, mais aussi par un pacte avec le diable. Par la construction de la vie que j’avais projetée, pour finir par comprendre que je n’en voulais pas et qu’elle me donnait envie de mourir. Par tout gagner pour mieux m’en séparer ensuite et reconstruire au plus près de qui je suis.

A l’époque où j’ai commencé à travailler, donc jeune puisque j’avais décidé de quitter l’école, j’ai démarré comme manutentionnaire sur les bateaux au port de Saint-Nazaire. J’ai croisé la route de l’Egyptien, entrepreneur influent dans la construction et l’agencement des bateaux. Un jour, je lui ai dit que j’étais à moitié indien, en me disant que ça allait provoquer quelque chose. Etonnamment, ça été le cas, il m’a adopté et m’a permis d’accéder à la première marche, économiquement en tout cas. J’ai commencé par la gestion des contrats intérimaires et j’ai fini DRH. Entre les deux, j’ai eu plusieurs sièges qui tournent, de la moquette de bureau de plus en plus épaisse, des chaussures à lacets et des chemises de plus en plus chères. Quand je lui ai dit que je voulais monter ma boite d’intérim et devenir mon propre patron, il a été là aussi, jusqu’au bout.

C’est à ce moment-là que j’ai fait un pacte avec le diable et en toute conscience en plus, ou c’est ce que je croyais du moins. Je me suis marié avec la fille d’un notable du coin. Elle, voulait préserver le train de vie qu’elle avait avec papa et moi avoir accès à cet homme et son réseau. C’est avec lui que j’ai monté cette première boîte. Il était investisseur et associé. J’ai accédé alors à la deuxième marche du podium : j’ai commencé à gagner beaucoup d’argent et à être reconnu, mais à cette époque, j’avais complètement oublié Batman et pourquoi je courais après tout ça. Ce pacte a été une catastrophe pour moi. J’avais 26-27 ans et j’étais sévèrement déprimé. J’avais envie de mourir, littéralement. J’étais sous antidépresseurs. J’avais pris 15 kg et, tous les matins, je me disais : « tout ça pour ça ?»

C’est à cette période-là, en 2004, que j’ai appelé un ami de ma mère, qui nous avait beaucoup aidé elle et moi quand je n’avais que trois ans. Nous étions restés en contact. Il habitait en Suisse, et était devenu coach. Ça été le point de bascule entre l’acte 1 et l’acte 2 de ma vie.

Je me suis retrouvé à Genève et je lui ai dit que je ne savais plus quoi faire à part me foutre en l’air tellement je me détestais. C’est là qu’il m’a dit – en tout cas que j’ai entendu – que la seule solution était que je dépactise avec le diable (mon beau-père et ma femme) : « Tu ne gagnes pas contre ces gens là !». Il ressemblait à Lino Ventura, je me souviens…Le lendemain, il m’a fait rencontrer deux femmes qui m’ont fait passer un test : le MBTI (outil d’évaluation psychologique). Je ne me souviens que d’une question : “De 1 à 100 quelle est la part de confort et d’effort dans votre quotidien ?” J’ai répondu 100% d’effort dans la vie pro comme dans la vie perso. La seule chose que j’aimais et qui n’était pas un effort, c’était d’aller promener mon chien sur la plage…Et là, une des femmes m’a soufflé : « Pour aller vers qui tu es, vers beaucoup moins d’efforts, c’est possible mais ça ne se fera pas sans douleur. » C’est ça que j’ai retenu en tout cas. J’ai repris le train pour Paris, j’ai récupéré ma femme à Roissy qui revenait des Bahamas avec des copines, on s’est pointé au Sofitel et là je lui ai dit que tout était terminé : le mariage, la boîte…tout.

A partir de ce moment-là, j’ai commencé à vivre la partie « pas sans douleur» et en même temps, j’ai senti poindre une forme de soulagement, de renaissance. Et, si j’ai suivi les conseils du Suisse, la chose qui m’a réellement portée durant cette période, c’est ma mère qui me l’a dite. C’était tout simple comme souvent dans les conseils qu’elle me donne. Elle m’a dit : « Suis ton intuition.» Je l’ai suivie et j’ai décidé de tout brader : la boîte, le divorce…tout ce que j’avais gagné, accumulé. J’ai trouvé un appart et un job à ma future ex-femme. Ça a duré près de trois ans en tout et pour tout mais j’ai soldé mes comptes. Je suis parti sans rien mais j’avais tout ce dont j’avais besoin pour redémarrer : mon expérience, mes envies, un réseau. Je n’ai plus jamais entrepris de la même façon après. J’ai pris goût à la discrétion et je me suis de nouveau souvenu de Batman : celui qui fait mais qu’on ne voit pas.

Acte 2

Cet acte 2, démarre donc discrètement. Il prend réellement vie peu de temps après : dans ma vie personnelle et dans ma vie professionnelle. Je deviens papa et je lis  ‘l’Art de la Simplicité’ de Dominique Loreau. Tout cela bouleverse ma façon de voir mon lien avec les autres, ma façon de consommer et je commence à nourrir mon rapport au simple et au beau. Ma relation avec mon fils grandit, et je sens que je suis en train de vivre ma plus belle rencontre humaine. Je créer une nouvelle boîte : Reborn Design avec pour vocation de créer des business model simples, sans véritable innovation d’usage mais qui vise à « innover l’usage ».  Là, il se passe un truc intéressant, je lève des fonds, la boîte commence à se développer et je commence à me sentir à nouveau pas bien, un air de déjà-vu. Mais une chose par contre continue à me nourrir : le besoin d’esthétisme et de travailler le beau, et bien sûr de continuer à rencontrer mon fils.

Point de bascule de l’acte 2 : ce n’est pas un coach suisse mais un pénaliste, droits de l’hommiste et un ancien du GIGN. Deux hommes qui faisaient partie du groupe informel d’investisseurs que j’avais monté et qui se retrouvait le lundi soir. C’est eux qui vont me permettre de garder mon axe sans retomber dans la toxicité de certaines relations. En rentrant de ces deux rdv – c’était le même jour – je prends mon carnet d’adresses et dresse la liste de toutes les personnes avec qui je ne suis pas fâchées. Là je me rends compte que beaucoup sont dans ma vie depuis 20 ou 30 ans et que toutes ont un point commun : des enfances tourmentées, cabossées. Dans les six mois qui suivent, je crée deux évènements au sein de mon réseau d’investisseurs. L’un sur « Pourquoi les entrepreneurs sont des artistes comme les autres ?» et l’autre « Pourquoi les sales gosses mal élevés vivent de leur passion ? » Batman approche mais je ne le sais pas encore. En tous cas, l’esthétisme et les enfants sont là.

Acte 3

Démarre l’acte 3 ! Un soir, je tombe sur un documentaire Netflix à propos du photographe et portraitiste, Antony Platon. Je suis happé par son travail, par son esthétique.  Et, il a cette phrase : « Ma vie est faite de rencontres éphémères avec des gens influents. » Je fais cette phrase mienne en remplaçant influents par inspirants. J’achète un appareil photo, un canon blanc et je démarre une série d’interview-rencontres dans mon réseau d’entrepreneurs. Je fais une quarantaine de portraits. J’organise une expo comme j’avais organisé les conférences. Je ne sais pas encore ce que je vais chercher mais je sais qu’il y a deux personnes dont l’avis est important pour moi. Le premier portrait que je fais est évidemment celui de mon fils. L’expo arrive et l’un des deux sages dont j’attends le retour, se plante devant son portrait et me l’achète sur le champ. Je lui offre et il me dit simplement : «Cyril il faut que tu continues». Alors je continue mais rapidement je sens que travailler l’esthétique, la structure d’un portrait sans fond me ramène doucement vers les espaces de malaise que je ne veux plus vivre. A cette époque, je suis ultra-sollicité pour des portraits de personnalités notamment politiques. Je cherche mon axe et je traverse un passage à vide.

Lors d’un café avec une copine, elle me montre le portrait d’un chien guide pour aveugle et sans m’expliquer pourquoi, je demande s’il existe des chiens guides pour les enfants. Peu de temps après, je tombe sur une émission avec Dave, le chanteur, il anime une vente aux enchères dont les fonds vont à la Fondation Frédéric Gaillane qui offre des chiens guides pour des enfants aveugles. Je les appelle, demande si je peux venir photographier et je file en voiture à l’Isle-sur-la-Sorgue à l’autre bout de la France. Je ne sais pas encore ce qui me pousse à faire ça. Quelques mois plus tard, je me retrouve à Paris en pleine Fashion Week et dégaine mon appareil photo. Il est blanc, les mannequins que je croise me prennent pour un photographe, et posent pour certaines d’entre elles. Le confinement arrive. J’ai du temps pour traiter les photos, pour m’immerger dedans et progressivement deux projets émergent. Le premier, une galerie en ligne de photos en éditions limitées SANDANA GALLERY, art photography for angels, le second, utiliser la photographie, la rencontre et le réseau d’entrepreneurs pour mettre en lumière ceux qu’on ne voit pas. J’entreprends plusieurs séries, notamment au centre de chirurgie infantile au CHU de Nantes.

En février 2022, la guerre en Ukraine éclate. En quelques jours je décide de partir avec un camion rempli de vivres et de matériel et de rejoindre le corridor humanitaire. L’idée c’est d’amener, avec l’aide de mon réseau, ce que je peux, et de revenir avec quelques images. C’est là que naît vraiment ANGELS, a new chance for children. Là-bas, mon axe bouge, je sens que je peux faire quelque chose à titre individuel pour les enfants. Je rentre, je suis sonné par l’expérience et les images que je ramène. Il y en a une notamment qui m’a fait rattraper 30 ans sans larme.

Quelques mois après, un notaire de Nantes m’achète un portrait de la galerie. Il a un goût sûr et je suis surpris qu’il choisisse le portrait d’un vieux monsieur que j’ai photographié alors qu’il vivait dans la rue. Il m’explique qu’il a monté une fondation qui procure des logements aux SDF et j’apprends à cette occasion que 40% des enfants dans la rue aujourd’hui viennent de l’ASE, Aide Sociale à l’Enfance. Deuxième déclic pour ANGELS. Je comprends que ces gamins ont besoin de connexion, d’inspiration et de stimulation lorsqu’ils sortent du système de l’ASS le jour de leurs 18 ans. Je fais des recherches, je rencontre des familles d’accueil, des jeunes issus de l’ASE et j’en parle à mon réseau. L’engouement me surprend et je décide de dédier ANGELS à offrir une nouvelle chance aux gamins cabossés et à promouvoir les droits de l’enfant et le travail de ceux qui les réparent, le tout par la réalisation de documentaires et l’accès à un réseau d’entrepreneurs-investisseurs.

Je ne vais pas sauver qui que ce soit ou raconter seulement des histoires qui finissent bien mais je veux pouvoir donner ce coup de pouce, celui de la rencontre qui change le cours choses. Je veux pouvoir donner accès au beau, au bon et continuer à tisser le fil des rencontres.

Si je devais résumer ANGELS, ce serait renaissance, renaissance et renaissance…on retrouve Reborn ! Tout est dit et je vais m’arrêter là sinon tu vas finir par écrire un livre ! (rires)

Pourquoi pas !

En attendant le livre, je te partage le passage complet qui ouvre la newsletter comportant ton interview, extrait de La plus que vive, roman poétique de Christian Bobin, parce-qu’elle te va si bien :

“Il nous faut naître deux fois pour vivre un peu, ne serait-ce qu’un peu. Il nous faut naître par la chair et ensuite par l’âme. Les deux naissances sont comme un arrachement. La première jette le corps dans le monde, la seconde balance l’âme jusqu’au ciel.”

 

Merci Cyril

 

Faire un don
* Par respect pour le cadre déontologique de mes accompagnements – notamment la confidentialité des échanges – les personnes que je choisis d’interviewer pour ce blog, quand elles ont fait la démarche d’un coaching, d’un bilan de compétences ou d’une thérapie, l’ont fait auprès d’autres professionnels.